Photo gratuite libre de droits.


Pourquoi payer pour utiliser une photo ?

Voici un article libre de droits de lecture à propos d'une question (hélas) de plus en plus fréquente à laquelle je (et bien d'autres) dois répondre... ou pas : la demande d'utilisation de photo gratuite. Une authentique tranche de "vie de photographe" (et pas que !).

Un peu du mĂȘme mĂ©tal que "Mon maçon Ă©tait illustrateur" cet article traite d'une mode en plein essor qui consiste Ă  demander quelque chose, ici en l’occurrence des photos en Ă©change de... rien ou presque ! Et pourquoi pas d'ajouter qu'on en sortira gagnant.

Le problĂšme n'est pas qu'un-e photographe refuse que l'on exploite son travail sans ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© mais la volontĂ© de ne pas rĂ©munĂ©rer un-e photographe pour exploiter son travail. D'autant que la finalitĂ© est, 99 fois sur 100, la promotion d'un lieu, d'un produit, d'un Ă©vĂšnement, etc. Ce qui contribuera donc Ă  gĂ©nĂ©rer un vĂ©ritable bĂ©nĂ©fice pour le demandeur. Ça s'appelle le gratuisme.

Photographe c'est un métier ? Ah bon, depuis quand ?

Photo gratuiteOui, c'est un mĂ©tier et il y a mĂȘme des gens qui en vivent, ou essaient d'en vivre !

L'idée n'est pas d'alimenter le débat stérile sur les banque d'images. Ou des collectivités et autres agences de pub sans vergogne qui trouvent tous les moyens pour faire participer des photographes, pros et amateur-e-s confondu-e-s, à des concours foireux*. Ou de ces entités que ne respectent en rien le principe de base du droit d'auteur avec des "rÚglements" leur permettant de se constituer une jolie petite banque d'images pour pas un kopeck. Le tout pour faire la promo de leur biz (donc de rentrer du fric), tout en s'asseyant confortablement sur le métier de photographe.

*J'en profite pour rappeler qu'il existe une charte du concours Ă©quitable. ainsi qu'une liste rouge sur le site de l'UPP.

Pour illustrer mon propos, j'ai optĂ© pour des exemples, simples et clairs, tirĂ©s de faits rĂ©els (si si !) dans des Ă©changes de mails. Alors cher/chĂšre lecteur/lectrice, prĂȘt(e) pour une franche rigolade ? Respire, ça va bien se passer, c'est parti on y va ! ;)


Version indirecte -> c'est pas moi c'est lui/elle !

Votre travail est trÚs bien nous adorons !!

Un de nos clients souhaite mettre sur son site internet des photos illustrant son activitĂ©. Seriez vous d’accord que nous lui fournissions quelques photos qu’il pourra diffuser gratuitement avec bien sur votre votre copyright ?

Dans cet exemple, la demande concerne des photos existantes réalisées dans le cadre d'une commande. La question est formulée simplement : "céder gratuitement vos photos à un tiers" et en prenant toutefois la peine de préciser "avec votre copyright" au titre d'un "cadeau" compensatoire, mouhahahaaa...

Ma réponse version barÚme :

Bonjour,

Oui aucun problĂšme pour la diffusion de mes photos sur site internet.
Voici un exemple de barĂšme de cession de droits :

- Photo à l'unité, pages intérieures du site.
- Fréquentation < 10000 connexions/mois.
- Droits d'utilisation et d'adaptation inclus.
- Durée de cession de 1 ans.
- Page d'accueil -> montant X 2.

  •  Entre 1 et 9 photos (prix par photo) : 90.00€ | 27.00€/annĂ©e supplĂ©mentaire.
  •  Entre 10 et 25 photos (prix par photo) : 85.00€ | 23.00€/annĂ©e supplĂ©mentaire.
  •  Entre 26 et 35 photos (prix par photo) : 78.00€ | 19.00€/annĂ©e supplĂ©mentaire.
  •  QuantitĂ©s supĂ©rieures : 57.00€ | 15.00€/annĂ©e supplĂ©mentaire.
  •  Droits toutes utilisation ( web, print etc... ) : sur devis.

Je suis joignable demain  de 9h à 13h. Appelez-moi pour plus de renseignements.

Bonne journée,

Bien cordialement


Version directe -> vous nous les avez "vendues" donc je peux les diffuser !?

Nous collaborons à une brochure dans le cadre d'un évÚnement important avec une institution importante de la culture qui recherche une photo du lieu que vous avez photographié.

Nous pensions leur envoyer une de vos photos, dites nous si cela vous pose pb. Si problÚme nous irons piocher dans les photos de l'année derniÚre...

Merci par avance de votre réponse.

Bon, c'est tourné de maniÚre sympathique jusqu'à "Si problÚme nous irons piocher dans les photos de l'année derniÚre...". Pourquoi faire appel à moi et aux photos que j'ai réalisé si vous avez déjà des photos... de l'année derniÚre ?

Dois-je conclure que, peut-ĂȘtre, les photos que j'ai fait cette annĂ©e valorisent mieux le sujet ? Et que - sans prĂ©tentions - la photographie est un mĂ©tier, un regard, une sensibilitĂ©, un savoir voir ? RepĂ©rages, choix de cadrages, Ă©clairage, boitier full-frame, objectif Ă  bascule et dĂ©centrement etc... Un travail attentif sur le rendu optimal des volumes, une balance des blancs manuelle... Ça a peu plus de gueule que les photos rĂ©alisĂ©es Ă  main levĂ©e en mode auto avec compact grand public par quelqu'un dont la photographie n'est pas le mĂ©tier ? Aaaah boooonnnn... ça m'Ă©tonne !???

Ma réponse version pédagogique :

Bonjour,

Les demandes d'utilisation "gratuite" de photographies sont (hĂ©las) de plus en plus frĂ©quentes. En qualitĂ© de chargĂ©(e) de communication j'ose croire que vous ĂȘtes dĂ©jĂ  certainement bien au fait de la notion de droits d'auteur mais je vous livre tout de mĂȘme ma rĂ©flexion sur ce sujet vastement dĂ©battu au sein de la communautĂ© des photographes :

Le vrai problĂšme n'est pas qu'un photographe refuse que l'on exploite son travail sans ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ© mais la volontĂ© de ne pas rĂ©munĂ©rer un photographe pour exploiter son travail, et les photographes professionnels, dont je fais partie, d'ĂȘtre de plus en plus souvent confrontĂ©s Ă  des situations oĂč leur travail est considĂ©rĂ© comme ayant de la valeur mais pour lequel on refuse le principe de s’acquitter de la contrepartie Ă©quivalente Ă  cette valeur.

Et pour bien cerner ce problĂšme, car c'est est un, la parabole la plus facile Ă  utiliser serait d'appliquer ce mĂȘme principe Ă  un autre mĂ©tier et de demander Ă  un prestataire de travailler gratuitement... et pourquoi pas de lui dire que ça lui fera de la pub' ! PublicitĂ© qui ne remplit pas un frigo ni ne paie une quelconque facture ou mĂȘme un seul centime des quelques 15.000€, voir beaucoup plus, de matĂ©riel photo dĂ©ployĂ© par un photographe pro, sans parler de savoir-faire ou de regard crĂ©atif...

Pour rappel Ă©galement : la mention du crĂ©dit photo fait partie du droit de paternitĂ© de l'Ɠuvre, un des attributs du droit moral. En consĂ©quence, ce n'est pas une option ou mĂȘme une marque de bienveillance Ă  l'Ă©gard du photographe mais une obligation et que l'absence de signature est considĂ©rĂ© par les tribunaux comme de la contrefaçon. (c.f : Loi N°92-597 du 1er Juillet 1992).

En bref, et mĂȘme pour une cession de droit Ă  titre gracieux, il est indispensable que celle-ci soit formulĂ©e par Ă©crit.
Elle stipule le nombre d'exemplaires de la publication, la durée et le territoire, la destination de l'exploitation etc.
Elle est établie de maniÚre nominative : les photos sont donc non-transférables et non cessibles.

L'institution en question pourra donc utiliser mes photos mais elle doit impérativement passer par moi car je reste seul détenteur des droits d'auteur et en conséquence le seul à pouvoir établir une cession, gratuite ou payante, en bonne et due forme.

Je reste Ă  votre disposition pour... bla bla bla...


Vous n'ĂȘtes pas seul !

Et parce-qu'hélas je ne suis pas le seul dans ce cas, voici ce qu'a trÚs récemment reçu un copain photographe, Greg Perrin... j'aime beaucoup !

Je viens de prendre connaissance de vos ­travaux par internet et notamment Facebo­ok ou nous avons des amis en commun.

Le ComitĂ© DĂ©partemental de la RandonnĂ©e ­PĂ©destre de l’Aveyron (reprĂ©sentant de l­a FĂ©dĂ©ration Nationale en Aveyron) trava­ille Ă  la rĂ©Ă©dition du topo-guide « Tour­ des Monts d’Aubrac » qui propose une ra­ndonnĂ©e sur le plateau sur plusieurs jou­rs balisĂ© bĂ©nĂ©volement par des Baliseurs­ de notre ComitĂ© en GR de Pays et dont v­ous trouverez la couverture actuelle en ­piĂšce jointe Cette nouvelle Ă©dition devrait sortir Ă  ­3 000 ex au mois de mars 2016 pour la n­ouvelle saison touristique.

Dans le cadre de cette Ă©dition je suis à­ la recherche d’un belle photo pouvant v­enir en photo de couverture, aussi, acc­epteriez-vous Ă  titre gracieux de mettre­ Ă  notre disposition une photo de votre ­collection (aprĂšs signature d’un convent­ion de cession de droits pour cette Ă©dit­ion) Dans le mĂȘme temps nous vous proposons d­e faire mention de votre site internet f­aisant rĂ©fĂ©rence Ă  vos travaux.

Dans l’attente de votre retour et en esp­érant que nous pourrons avoir le plaisir­ de travailler ensemble, Restant Ă  votre disposition.

Sa réponse version pédagogique (avec son amicale autorisation) :

Bonsoir, ­

Je ne souhaite pas cĂ©der mes droits phot­os gratuitement, quoi que pour une assoc­iation caritative j'y rĂ©flĂ©chirais peut ­ĂȘtre Ă  deux fois.

Par ailleurs l'impact promotionnel prop­osé ne me semble pas intéressant. Je reste toutefois à votre disposition ­si vous envisagez de me rémunérer pour u­ne cession. ( ne vous inquiétez pas mes ­prix sont raisonnables et je reste soupl­e dans la négociation)

Dans le cas contraire vous trouverez sa­ns doute d'autres photographes moins scr­upuleux d'un point de vue moral et moins­ respectueux du monde bien difficile de ­la photographie d'aujourd'hui.

Je dois me rendre pour donner quelques c­onférences au salon de la photo à Paris ­dans quelques semaines et ne manquerais ­pas d'évoquer ce genre de demande qui me­ semble de plus en plus fréquente. C'es­t un peu comme les faux concours qui n'o­nt au final qu'un seul but c'est que le ­photographe amateurs ou pro lùche ses dr­oits... n'y avez vous pas songé ?

Dans l'attente de vos nouvelles,

Cordialement­ Greg perrin (amoureux fou de l'Aubrac ­et de la photo)


Retourner la situation :

Parce-que, cher/chĂšre lecteur/lectrice (photographe non ?), tu as pris la peine de lire ce billet jusqu'ici, et parce-que je t'aime bien (mĂȘme si tu choutes en Nikon, si si...), voici un exemple type de rĂ©ponse toute faite Ă  adapter comme bon te semble selon la situation :

La demande :

Nous avons vu votre travail de photographe, on aaadore ! CĂ©dez nous donc quelques images gratos et en Ă©change, on vous laisse le copyright et puisque vous avez une bonne bouille on peut mĂȘme ajouter un lien vers votre site...

Ça vous fera de la pub, la gloire assurĂ©e koaaa... sympa non ?

La réponse type (avec un ton bien aristo) :

Okayyyy... pas de problÚÚÚÚme ! Écoutez vous allez rire, j'Ă©tais justement en train de me demander oĂč est-ce que j'allais passer mes vacances d'Ă©tĂ© (ou hiver c'est selon) et je vois que vous avez une maaaaagnifique maison en bord de mer (ou au pied des pistes...).

Vous me la faite gratos pour 15 jours, je dirais à mes amis et collÚgues que c'est vous, ça vous fera une bonne pub...

Alors, check ?!!

Distinguo distingué...

Une exception toutefois. Comme l'a justement dit mon ami Greg prĂ©cĂ©demment : "... pour une assoc­iation caritative j'y rĂ©flĂ©chirais peut ­ĂȘtre Ă  deux fois..". Le principe du droit d'auteur ne se substitue pas au bon sens ni aux principes et convictions personnelles et dans certains cas une cession Ă  titre gracieux a tout Ă  fait sa place dans la vie du photographe.


Conclusion : "On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher !"

Vaseline pour photographe
- Au cas oĂč -

Je me lancerai pas dans une diatribe diarrhéique mais il y a de quoi se poser des questions sur les compétences de certaines boites de com' et de certain-e-s chargé-e-s de communication : "sont-ils à moitié ou complÚtement incompétent-e-s ?". N'ont-ils/elles aucune notion des principes de base du droit d'auteur ?

Vue leur fonction, il semble qu'aucune de ces 2 hypothĂšses n'est valable. Ils/elles fonctionnent avec un triple objectif simple : money money money !

Pour équilibrer et tempérer mes propos, je précise à toutes fins utiles que je bosse réguliÚrement avec des chargé(e)s de com' réglos, attentifs au principe du droit d'auteur, et qui connaissent trÚs bien leur job. J'avoue par contre avoir un peu plus de réticence avec les bouates-de-com qui parfois se planquent derriÚre les exigences du client (il a bon dos !) pour faire passer une pilule grosse comme mon boitier reflex ! ;)

Bref, le-la photographe amateur-e (pas tous fort heureusement !) ou le/la photographe pro qui débute (qui doute et ça peut se comprendre...) ou encore, et la c'est plus grave, le/la pro qui imagine que ça va lui faire une super pub et que la gloire l'attend au bout du compte, tous/toutes se trompent lourdement.

Cet article est aussi valable pour les musiciens/musiciennes, peintres, sculpteur-trices, graphiste, illustrateurs-trices etc... bref, tous celles et ceux qui créent et dont les "talents" sont convoités par certain-e-s dont le talent est d'exploiter gratuitement le travail des autres. Car c'est bien connu, quand on est artiste on fait ça par passion et on a forcement un vrai travail à cÎté !

Au final, ce qui restera est que celui ou celle qui accepte ces pratiques accepte que son travail n'ai pas de valeur et se fera coller l'Ă©tiquette de celui ou celle qui travail gratuitement. Point !

Pour conclure cette conclusion : battez-vous, faites valoir vos droits et continuez Ă  faire ce que vous savez faire : des photos !


Cet article vous Ă  plus ? Un peu d'encouragement est toujours motivant pour en pondre d'autres. Samstudio est aussi sur Facebook alors likez & partagez !

Vous avez des exemples de ce type, une expérience à ajouter sur le sujet ? N'hésitez pas, les commentaires sont faits pour ça !


Commentaires (2)

  1. Bruno Hecquard

    Bonjour,
    Comment envisageriez-vous le cas de figure de la cession de droits Ă  titre gracieux en contrepartie de l’agrĂ©ment pour le photographe de photographier un Ă©vĂ©nement pour son travail personnel artistique ?

    Exemple: une commune organise un concert en phase avec un projet personnel du photographe. Celui-ci souhaite avoir accĂšs Ă  la scĂšne et aux coulisses en backstage pendant, avant et aprĂšs l’Ă©vĂ©nement.
    Il prĂ©voit en Ă©change la cession Ă  titre gratuit d’un nombre restreint de photographies, pour l’usage de la commune sur une durĂ©e limitĂ©e, utilisation non commerciale respectant bien sĂ»r le crĂ©dit photo de l’auteur.
    Il s’agit donc d’une convention de cession de droits, classique, mais en Ă©change d’un agrĂ©ment. Le photographe conserverait la totale propriĂ©tĂ© de ses images, bien sĂ»r, mais Ă©galement la libertĂ© complĂšte de diffusion y compris vente de tirages d’art ou reproductions.

    Voyez-vous des difficultés à ce type de montage, de précautions à prendre ?

    Cordialement
    Bruno

    RĂ©pondre
    • Samstudio

      Bonjour,
      Je ne suis pas spĂ©cialiste en la matiĂšre ni juriste du droit d’auteur mais en principe il suffit d’Ă©tablir une note d’auteur avec une remise de 100% et en prĂ©cisant les conditions d’utilisation, la durĂ©e, les rĂ©fĂ©rences des photos transmises etc… Ce qui permettrait aux parties d’ĂȘtre « couvertes » pour l’usage indiquĂ©…

      RĂ©pondre